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Méthode positive ou coercitive : Que dit la science ?

Aujourd'hui, nous plongeons dans un sujet crucial qui suscite souvent des débats passionnés parmi les propriétaires de chiens : quelle méthode d'éducation canine est la plus efficace et respectueuse du bien-être de nos compagnons à quatre pattes ?


Ce post, un peu plus long que d'habitude, s'attarde sur cette question essentielle en examinant les différences entre la méthode positive et la méthode coercitive. Plus important encore, nous explorerons ce que la science moderne révèle quant à leur efficacité et à leur impact sur la qualité de la relation homme-chien ainsi que sur le bien-être animal.


femme faisant un calin à son chien

Freepik


Il y a quelques années, j'ai rencontré un monsieur avec une jeune chienne malinoise remarquablement bien dressée. À la moindre indication, elle réagissait instantanément, se plaçant à droite, à gauche, s'arrêtant ou marchant à ses pieds. Intriguée, je lui ai demandé comment il avait réussi un tel exploit, et il m'a expliqué avoir utilisé exclusivement un collier électrique. En continuant la discussion, je me suis vite aperçue que bien que sa chienne fût obéissante, elle présentait un problème délicat : elle se faisait dessus dès qu'elle voyait un autre chien. C'est un exemple frappant des effets négatifs de l'éducation coercitive, même si leur lien n'est pas toujours immédiatement évident. En effet, bien que cette méthode puisse donner des résultats rapides, elle peut également entraîner des troubles du comportement, souvent handicapants. Dans le cas de cette petite chienne, cela s'est manifesté sous la forme d'une phobie sociale si prononcée qu'elle ne pouvait plus interagir avec ses congénères. Pour une espèce aussi sociale que le chien, cela est véritablement déchirant.


C'est pourquoi aujourd'hui, je souhaite aborder le sujet des deux méthodes d'éducation canine : la méthode positive et la méthode coercitive afin de comprendre leurs différences et d'explorer ce que la science révèle sur leur efficacité et leurs impacts sur le bien-être animal.


La méthode coercitive

La méthode coercitive, également appelée méthode traditionnelle, repose principalement sur l'utilisation de punitions positives telles que les colliers étrangleurs ou électriques pour dissuader les comportements indésirables. Elle recourt également au renforcement négatif, ce qui implique le retrait d'un stimulus aversif une fois que le comportement souhaité a été exécuté. Par exemple, la personne peut exercer une pression sur l'arrière-train du chien jusqu'à ce qu'il s'assoie. Bien que vantant des résultats rapides, elle est souvent considérée comme pouvant avoir des conséquences négatives tant sur la relation homme-chien que sur l'équilibre comportemental du chien. À noter que la méthode coercitive, reposant principalement sur la punition positive qui induit de la peur et de la souffrance, est illégale. En effet, l'annexe II, section II, chapitre VI de l'arrêté du 3 avril 2014 fixant les règles sanitaires et de protection animale précise :


L’exercice des activités d’éducation, de dressage ou de présentation au public dans des conditions et avec méthodes ou accessoires pouvant occasionner des blessures, des souffrances, du stress ou de la peur est interdit.

La méthode positive

À l'inverse, la méthode positive s'appuie sur le renforcement positif, mettant en avant la récompense des comportements souhaités. Des friandises, des éloges et des jeux sont utilisés pour renforcer les bonnes actions du chien, dans le but de créer une relation basée sur la confiance, la coopération et le plaisir. Il est important de souligner que la méthode positive n'est pas synonyme de laxisme. Elle inclut l'apprentissage des règles de vie, et les comportements indésirables sont désappris à l'aide de la punition négative. Ainsi, la méthode positive va de pair avec le style directif.



Illustration des deux méthodes d'éducation et du type de renforcements et de punitions qu'elles utilisent.
Illustration des deux méthodes d'éducation et du type de renforcements et de punitions qu'elles utilisent.

Leur efficacité pour l'éducation

Lorsqu'il s'agit d'évaluer l'efficacité des différentes méthodes d'éducation canine, la littérature existante se révèle malheureusement soit lacunaire, soit sujette à des critiques méthodologiques. Cependant, une revue de 2017, rassemblant toutes les études publiées jusqu'à cette période, remet en question l'idée préconçue selon laquelle la méthode coercitive garantirait des résultats plus rapides et/ou supérieurs. Les résultats des études explorant cette question montrent soit une absence de différence quant à l'efficacité des deux méthodes, soit suggèrent, au contraire, que la méthode positive l'emporte. Bien qu'à ce jour, une étude expérimentale démontrant de manière incontestable que l'éducation positive serait plus efficace que la coercitive en termes d'apprentissage et de mémoire soit manquante, une recherche récente, enregistrée auprès de Plos One en 2021, s'attelle précisément à combler cette lacune. Il reste à attendre avec impatience ses résultats qui pourraient apporter des éclaircissements significatifs sur cette question.


Leurs impacts sur les comportements indésirables

Mais au-delà de leur efficacité, les différentes méthodes peuvent également engendrer d'autres conséquences, qu'il est crucial de prendre en compte lorsqu'on cherche à décider laquelle choisir. L'un des effets relevés concerne l'impact des différentes méthodes sur les comportements des chiens au quotidien. En effet, plusieurs études suggèrent une corrélation entre la méthode coercitive et la prévalence de comportements indésirables, tels que la peur ou l'agression envers les congénères et/ou les humains, ainsi que le développement de problèmes tels que l'anxiété de séparation, les aboiements excessifs ou le pica. Si ces résultats se révèlent étayés par des preuves empiriques confirmant les relations de causalité, cela constituera une preuve supplémentaire de l'inanité de cette méthode. Cela confirmerait que, contrairement à l'objectif principal de l'éducation des chiens de famille, qui est de favoriser leur intégration sociale dans la société, la méthode coercitive peut en réalité produire l'effet contraire.


Leurs effets sur la qualité de la relation homme-chien

Plusieurs études laissent entendre que la méthode coercitive altère la qualité de la relation entre le propriétaire et son chien. Certains travaux signalent une augmentation de l'agression envers le propriétaire ou les membres de la famille après l'utilisation de la punition positive. D'autres indiquent que les chiens montrent moins d'attention et recherchent moins le regard de leur propriétaire, lorsque celui-ci utilise le renforcement négatif comparativement au renforcement positif. Enfin, au moins une étude mentionne que les chiens éduqués avec le collier électrique présentent des niveaux de stress plus élevés en présence de leur maître par rapport à un groupe témoin éduqué sans collier. Dans l'ensemble, ces résultats indiquent que la punition positive et le renforcement négatif ont tendance à détériorer le lien affectif entre le chien et son propriétaire.


Leurs effets sur le bien-être physique

Un ensemble conséquent d'études indique que l'application de la punition positive entraîne une élévation des niveaux de cortisol chez les chiens. Or, les conséquences néfastes des niveaux de stress chronique sur la santé sont bien documentées, et incluent des perturbations du système immunitaire, du système digestif, des retards de puberté, et une diminution de la capacité reproductive chez les mâles. Ces exemples ne prennent même pas en considération le fait que l'utilisation de colliers étrangleurs, électriques, ou torquatus peut causer des blessures graves. Il est donc manifeste que l'application répétée de la punition positive peut avoir des effets néfastes sur la santé physique des chiens.


Leurs effets sur le bien-être mental

Plusieurs études, certaines basées sur des questionnaires et d'autres sur l'observation de marqueurs comportementaux de stress, indiquent un impact négatif des méthodes coercitives sur le bien-être mental des chiens. Une récente étude expérimentale publiée dans Plos One, a renforcé ces conclusions. Impliquant 92 chiens issus de différentes écoles, répartis entre la méthode positive (42 chiens), la méthode coercitive (28 chiens), et une méthode combinant les deux approches (22 chiens), les chercheurs ont analysé des vidéos d'entraînement pour évaluer le niveau de stress des chiens. Ils ont notés la prévalence de signaux d'apaisement tels que bâillements, léchages de truffe, regards fuyants, postures recroquevillées, etc. De plus, des échantillons de salive ont été prélevés après l'entraînement pour évaluer l'état de stress de l'animal, à partir de ses niveaux de cortisol.


Finalement, pour évaluer l'influence à long terme de ces méthodes sur le bien-être général des chiens, en dehors des séances d'éducation, les chercheurs ont utilisé un test de biais cognitif. Durant la phase d'apprentissage, les chiens ont associé la position d'un bol à la présence ou absence de friandises. Une variation a ensuite été introduite avec un bol vide entre les deux positions, créant ainsi une situation ambiguë quand à la présence de nourriture. Le temps requis pour atteindre le bol a été chronométré, en se fondant sur l'hypothèse que, dans une situation ambiguë, les chiens ayant une disposition affective négative (ceux qui voient le verre à moitié vide) auraient une perspective plus "pessimiste" de la situation et prendraient ainsi plus de temps pour atteindre le bol que les chiens ayant une attitude plus positive (ceux qui voient le verre à moitié plein).


test de bias cognitif chien

Les résultats sont sans appel. Durant une séance d'éducation, les chiens formés avec la méthode coercitive présentent quatre fois plus de signes de stress que les chiens issus des groupes utilisant la méthode positive ou la méthode composite. Les données physiologiques corroborent ces résultats, montrant que les chiens soumis à la méthode coercitive présentent une augmentation plus marquée du niveau de cortisol par rapport à ceux formés avec la méthode positive, après une séance d'éducation. Les chiens formés avec une méthode composite affichent un niveau de cortisol intermédiaire entre les deux autres groupes. En d'autres termes, la méthode coercitive génère significativement plus de stress pour les chiens que la méthode positive.


résultats niveaux de stress en fonction du type d'éducation

Cependant, ce qui est particulièrement révélateur, c'est que les effets négatifs de la méthode coercitive sur le bien-être des chiens ne se limitent pas au terrain d'éducation. Les résultats du test du biais cognitif indiquent que les chiens formés avec la méthode coercitive mettent plus de temps que les autres pour explorer les bols positionnés dans des endroits ambigus, suggérant une attitude plus pessimiste de leur part.


résultats latence jusqu'à arriver au bol dans le test de prise de décision

Méthode positive ou coercitive : que choisir ?

En résumé, que nous enseignent tous ces résultats ? Bien que l'état actuel des connaissances soit loin d'être parfait, il suggère qu'en termes d'efficacité des techniques, il n'y a pas de preuve en faveur de la méthode coercitive. Les études ne trouvent soit aucune différence, soit une meilleure efficacité de la méthode positive. De plus, bien qu'incomplets, les faits suggèrent que la relation homme-chien se détériore lorsque le maître utilise la punition positive ou le renforcement négatif, pouvant aller jusqu'à l'agression. Plus problématique au niveau sociétal, plusieurs études rapportent des corrélations positives entre les comportements indésirables ainsi que les niveaux d'agression intra et inter-spécifiques, et l'utilisation de méthodes coercitives. Enfin, plusieurs études démontrent les conséquences néfastes aiguës et chroniques de la méthode coercitive sur le bien-être physique et mental du chien.


En résumé, la méthode positive, fondée sur la motivation et le renforcement positif, s'impose comme la meilleure option. Elle favorise un apprentissage efficace tout en respectant le bien-être du chien. Ainsi, en tant que propriétaires responsables, et en se basant sur des résultats objectifs, il n'y a aucune justification aujourd'hui pour recourir à des techniques éducatives violentes ou douloureuses. En revanche, la méthode positive a démontré son efficacité pour éduquer des chiens qui seront bien intégrés à la société ainsi que physiquement et mentalement épanouis.

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